Mohamed Zarouri est né en 1955 à Archaoua en Algérie. Pendant la guerre d'Algérie, sa famille rejoint un camp de regroupement, proche de Tizi-Ouzou. En 1962, Mohamed et sa sœur Fouzia embarquent sur un bateau qui rallie Alger à Marseille, avant d'arriver au camp de Rivesaltes. Les familles de harkis y sont reléguées, officiellement, à partir du 26 septembre 1962. Ils restent dans le camp pendant 6 à 7 mois. Son père trouve ensuite du travail à Roubaix, où toute la famille s’installe, puis à Villeneuve d’Ascq, où il est embauché dans une usine de textile.

Transcription du témoignage

 

On a pris le bateau, et le souvenir que j’ai du bateau c’est d'abord, un, il s’appelait Renaissance, et ensuite c'est la manière dont on a été, j'utilise bien mon mot aujourd'hui, c’est parquer dans ce bateau. On était déjà, dans la cale, y avait un tas de monde autour de nous, on était pfff... entassé les uns sur les autres. Je sais pas si vous avez déjà pris le bateau, mais il y a une chose qui arrive fréquemment, c’est ce que l’on appelle le mal de mer. Je me souviens d’avoir, avoir vomi mes tripes à même le sol et les gens qui étaient autour de moi, ben ils faisaient la même chose, eux aussi, ils avaient le mal de mer. Le seul bon souvenir, c’est que mon frère ne l’a jamais eu, il était bien. Donc déjà le départ, parqués comme des bestiaux. C'est à la limite, une anecdote que je pourrais raconter, c'est-à-dire euh, parce que lorsqu’on est monté sur le bateau, le capitaine a dit « Les rats blancs d’un côté, les rats noirs de l’autre et en fond de cale vous mettez les rapatriés. ». 
Lorsque j’arrive au camp de Rivesaltes, je vous demande juste un petit moment, le temps de me souvenir c'est, c’est les camions qui arrivent, on est arrivé en camion, on nous débarque en camion, enfin on nous débarque des camions, on nous aligne, enfin, on nous… oui aligner peut-être, on nous assigne un numéro. Moi, on m’avait donné le numéro à mon père pour que, ben il ait de quoi, enfin avoir son..., des lits et un logement. Enfin, et ce numéro c’était le numéro de, de notre future maison. [Rire].
Je me souviens de la sensation de froid qu’il y avait dans cette maison, j’avais froid, c’était en septembre parce qu’on est arrivé en septembre. On avait froid, y avait un poêle, pour le charbon, au milieu. Si je devais décrire cette maison, ben c’était quoi ? Ben c’était… à l’époque ? Ou aujourd'hui ? Aujourd'hui c’est, c’est quoi ? C'est ni plus ni moins qu’un studio. Un studio de, de quoi ? De vingt, vingt-cinq, vingt-cinq mètres carrés pour cinq personnes et ce qui m’a choqué, c’est le souvenir qui me choque c’est des lits de camp. Un lit de camp c’est quoi ? C'est deux morceaux de…, des tréteaux avec une toile dessus... A la limite on dort... on peut très bien y dormir mais on était trois enfants, deux adultes, mon père et ma mère, moi, je dormais avec mon frère, ma mère dormait avec ma sœur et mon père avait son lit. Conclusion, il y a combien de lits ? Trois et on était cinq... Des lits de camp, à deux dans un lit de camp. 
En fait, y avait pas de sanitaire à l’intérieur, les toilettes c’était une baraque en bois, je m’en rappelle maintenant, c’est une baraque en bois avec euh, avec quoi ? Ben, avec des espèces, ces espèces de gros tonneaux en fer là qui servaient de récipient récupérateur, on était assis, enfin on était assis, non il y avait un espèce de trou où on tombait dedans. Et c’était euh, les seules toilettes que je connaisse et je pense que tous les gens qui étaient autour, ben ils avaient que ça comme accès, donc on avait toutes les odeurs, toutes les puanteurs... Je sentais pas, oui, bon, je sentais pas mais je me dis aujourd'hui, mais comment on pouvait vivre là-dedans ?