Emile Angelo Itty est né le 19 aout 1936 à Zvillesheim, en Alsace, dans une famille de Tsiganes nomades. Son père est contrebassiste, d’une grande famille de musiciens. Inquiets de la déclaration de guerre, ils quittent l’Alsace pour s’installer à Lyon. Séparé de son père, il est envoyé, avec sa mère et son frère, dans un convoi vers Argelès. Emile arrive le 20 juin 1941 à Rivesaltes. A la fin de la guerre, il retrouve son père et la famille retourne en Alsace. La famille de son père, qui vivait en Allemagne, meurt en déportation. Emile Itty est décédé le 19 septembre 2019 à Lutterbach, à l’âge de 83 ans.
Transcription du témoignage
Mes parents étaient des gens très simples. Avant tout, c’est des Tsiganes, très simples et mon père était un grand musicien et ma mère c’était une femme qui allait pour faire porte à porte, chiner comme on dit, hein. Et voilà. C’était de très bons parents.
[…] Les gens à cette époque-là, ils se méfiaient. Ils disaient : « Oh, les Tsiganes, les Manouches voleurs de poules, voleurs de enfants ». Alors ils se méfiaient, ils se cachaient plutôt, allaient de village en village dans la forêt ou au bord de la forêt. Alors voilà, c’est comme ça qu’on a, qu’on a grandi, que moi j’ai grandi avec la peur et avec la méfiance, et ces choses-là, je les oublierai jamais de ma vie. Cette haine, je l’ai toujours en moi et cette souffrance et je suis très, très méfiant. Je suis là, en vous parlant, j’ai confiance mais je me méfie quand même […]
Vous savez, les gens en parlaient, beaucoup partout « l’Allemand a déclaré la guerre ». Voilà, ça et ça. Et puis, comme ils savaient, comment ils ont entendu parler que les Juifs et les Tsiganes, ils… ont… exterminé. Alors mon père il dit et mon grand-père il dit : « Là on peut pas rester en Alsace. C’est très dangereux ». […] Nous sommes partis à Lyon. Et à Lyon, ils nous ont pris, nous ont mis dans les wagons et puis hop là, à Argelès.
[…] La méchanceté qu’ils avaient envers nous. On a cru que c’était les Allemands qui sont été durs mais vous voyez, le régime de Vichy c’était aussi dur, hein. C’étaient pas les Allemands, c’étaient les Français. […] Je me rappelle qu’ils m’ont euh,… un militaire ou je sais pas qui c’était, il m’a foutu une gifle parce que je voulais chercher une tomate dans un trou pourri pour le manger. Il m’a pris par la nuque, il m’a foutu une gifle. Il m’a dit : « Pas ça, t’as pas le droit ». Mais j’ai pas compris ce qu’il veut dire. J’avais tellement peur que je savais plus où je suis.
[…] et toute la famille, je parle du côté du côté de mon père, ils ont été exterminés à Auschwitz, Dachau, exterminés, complètement, il n’y avait plus aucun survivant. Mais il y avait toujours des braises qui restaient et les braises c’est nous.