Herbert Traube est né le 15 juillet 1924 à Vienne en Autriche. Arrêté pendant la Nuit de Cristal, son père est déporté à Dachau entre novembre 1938 et mars 1939. Aidée par la Croix Rouge, sa mère part en Belgique avec Herbert et sa sœur, ils doivent fuir vers le sud de la France lors de l'invasion allemande. Herbert et sa mère sont internés au camp de Gurs, puis à Rivesaltes. Sa mère y décède d’épuisement et de maladie. Il s'évade du camp avec son père. Lors de la rafle du 26 août 1942, son père est déporté à Auschwitz. Herbert est à nouveau envoyé à Rivesaltes, puis à Drancy, le 14 septembre 1942. Il s'échappe du convoi par une lucarne.
Transcription du témoignage
On arrive à Rivesaltes alors là, le camp est gardé mais gardé, je dis pas qu’il y avait un flic tous les cinq mètres mais presque, là on était bien gardé et euh, on était donc euh, quelques centaines dans plusieurs baraques et là, il y avait une commission de criblage, criblage pardon, de criblage qui était là et parmi ces gens-là, j’ai vu deux SS allemands. Et par la suite, on m’a toujours dit il y avait pas de SS allemands à Rivesaltes mais moi je les ai vu. Il y avait deux SS allemands qui étaient là dans la, dans la commission. Et donc, commission de criblage, donc j'étais appelé, mon nom, bon, il était sur une liste et le lendemain matin on devait partir. Or dans la nuit, sachant qu’on devait partir le lendemain, j’ai grimpé dans les bâtiments, dans la charpente et je me suis caché dans la charpente. Quand il y a eu l’appel, j’ai pas répondu donc ils sont venus chercher. Evidemment personne à penser qu’il y avait quelqu’un là-haut. Donc j’ai évité le transport. Je suis descendu parce qu’il fallait quand même que je nourrisse. Le lendemain, je voulais faire la même chose, ça marchait pas parce qu’ils avaient gardé la lumière toute la nuit dans la baraque, je ne pouvais pas me cacher. Le lendemain matin je suis sorti de la baraque, j’ai essayé de monter sur un petit, peut-être était-ce les latrines, je n’en sais rien, sur un bâtiment, sur les toits, je me suis ca… je me suis mis à plat ventre sur le toit. Il y a un flic qui m’a vu, un garde. Ils m’ont descendu, j’ai encore pris une paire de baffes et c'est là, je suis parti dans un convoi. C'était le 14 septembre 1942. Alors le convoi était constitué donc à Rivesaltes même, on nous a emmenés dans, dans des wagons qui ont été fermés. Mais les, euh, les lucarnes n’étaient pas fer…, n’étaient pas obstruées. C’est-à-dire qu’on avait de l’air. On avait une tinette, on était peut-être soixante, soixante-dix hommes là-dedans. Les femmes devaient être dans un autre wagon. Soixante, soixante-dix, on avait une tinette et puis le train part, lentement, arrive un moment où les tinettes étaient pleines. Pensez bien. Ça commençait à devenir invivable. Et euh, les… des, des bousculades à l’intérieur, les gens cherchaient un, un endroit pour s’assoir, pour se coucher. Alors il y avait quelqu’un, un monsieur qui était un peu plus... plus... Comment dirais-je ? Plus âgé que les autres et plus, euh, plus incisif dirais-je. Il a dit « Bon maintenant, arrêtons ! Un, deux, trois, quatre, vous vous asseyez dans le coin. Un, deux, trois, quatre, les autres debout. Dans une heure, on change de place. » « Ok. » C’était très bien. Moi pendant ce temps-là, j’étais debout, je regarde par le, le, la, le euh…, la lucarne, il y avait deux barres parallèles [mine les deux barres]. Et je réussis à passer ma tête entre les deux barres et puis j’avais la tête dehors et puis je regarde [mouvement de tête]. Il faisait un très beau temps, le train, il roule dans un paysage idyllique. Puis, pendant que j’étais là, il y a un gars derrière moi, il dit « Tu sais, quand la tête passe, le corps passe. » Je dis « Quoi ? » « Oui, je te dis, quand la tête passe le corps passe. » Bon alors, à ce moment-là, je, je ressors ma tête. Et puis le gars il me dit, « Mais si, si, c'est sur ce que je te dis, hein, c'est sûr. » Alors là, j’ai fait ni une, ni deux, j’ai pas regardé où était ma valise ni rien du tout. J’avais un chandail sur moi, un pantalon, une paire de chaussure. Je fais un rétablissement, passe les jambes d’abord. On me pousse un peu parce que la poitrine, elle voulait pas passer. La tête, elle passe et puis, je reste accroché à l’extérieur du wagon, je reste accroché. Puis je regarde passer les, les poteaux, les poteaux téléphoniques, vous savez [mime la situation], les poteaux là. Et puis je compte, je dis un, deux, trois, donc il faut que je saute entre les deux pour pas tomber sur un poteau. Alors à un moment donné, le train, j’avais l’impression qu’il ralentissait. C'était vrai ou pas vrai, je n’en sais rien, de toutes façons, il roulait pas à deux cent à l’heure, hein. Je m’arque boute contre le train, je, je pousse, je tombe dans le fossé, je fais un roulé boulé, je suis dans le fossé. J’ai entendu un coup, est-ce que c'était mon imagination ou est-ce qu’on a tiré sur moi, je n’en sais rien.